Voilà trente ans que vous vous occupez d’enfants qui ont des  difficultés d’apprentissage. Quels conseils donneriez-vous à leurs  parents ?

Etre moins angoissé et moins coupable… cela ne mène à rien, si nous avons fait de notre mieux. L’important est  de comprendre ce qui se passe et de réfléchir pour faire évoluer la situation. Un bilan orthophonique ou chez un psychologue permet en général de faire un point assez juste. D’autre part, il est aussi essentiel de ne pas se focaliser sur les difficultés de l’enfant. S’il est en difficulté quelque part, il y a forcément d’autres domaines où il peut exercer ses aptitudes physiques, son sens de l’observation, sa ténacité devant les obstacles…  Il est très important que l’enfant garde confiance en soi et trouve des domaines pour s’exprimer et se faire plaisir.

Faut-il faire travailler l’enfant à la maison ?

On peut le faire à condition de ne pas se substituer à l’enseignant. Notamment quand l’enfant rencontre des difficultés scolaires pesantes, il faut prendre garde à ne pas l’y enfermer. Je suis convaincue qu’il vaut mieux s’appuyer sur les domaines où il réussit, que de s’acharner avec  lui sur un contenu  mal acquis en classe. Et l’échec doit rester un échec limité à l’école.

Comment concrètement les parents peuvent-ils aider un enfant en difficulté à l’école ?

Il existe mille et une manières de favoriser l’intelligence chez un enfant en dehors des exercices scolaires. Les jeux de société (petits chevaux, jeux de pions puis plus tard de stratégie) apprennent à compter, à anticiper, à arbitrer entre plusieurs solutions.  De nombreuses situations de la vie quotidienne favorisent aussi la mise en route des capacités intellectuelles : faire la cuisine, les courses, dessiner, mesurer le temps, les distances à parcourir… Le tout est de ne pas faire « à la place de l’enfant ». Sinon, il ne peut expérimenter et réfléchir par lui-même.

Quel est le rôle de l’erreur dans l’apprentissage ?

On apprend en faisant des essais et des erreurs. Par exemple, quand  on joue avec l’enfant aux dames, on le laisse pousser ses pions tout seul, se tromper et, si possible, avoir le droit de revenir en arrière. C’est bien plus efficace que de lui dire « mais non, ne fais pas ça,tu vois bien que je vais te manger ! » L’important n’est pas tant d’arriver au bon résultat que d’organiser sa pensée pour y arriver.

Les parents ne savent pas toujours s’il faut consulter ou non, à quel point il faut laisser l’initiative aux professionnels (enseignants, orthophonistes, psys…). Là encore, un conseil ?

Ils doivent garder confiance en eux-mêmes et en leur enfant. Ils doivent oser prendre ce risque-là et s’autoriser aussi à des essais et erreurs. Si une solution ne marche pas, il faut en essayer une autre, ne pas hésiter à interrompre une rééducation qui dure depuis des années sans effets. Rester ouvert, à l’écoute, consulter quand ils sont inquiets mais, surtout garder leur bon sens. Ce sont eux qui connaissent le mieux leur enfant.

Propos recueillis par L.S.-B.

 

« Pour aider l’intelligence à se développer, il faut faire appel à la totalité de la personne, à ses capacités d’apprentissage comme à ses capacités relationnelles. Il faut s’appuyer sur la partie saine de l’individu, celle qui fonctionne bien, celle qui n’a pas de mauvaises habitudes. »

Presse : article dans le journal de la caisse d'allocations familiales (CAF) : vies de famille, septembre 2005